’89 tue

Noël 1989, jour de paix universelle déchirée, ce jour-là, par les cris de satisfaction d’une populace trop longtemps réduite au silence.Ceausescu et sa femme, ce couple universellement haï gisait sans gloire au pied du mur d’une caserne, les gens fêtaient, pêle-mêle, la Nativité et l’exécution des tyrans, on entendait toujours tirer dans la ville, les militaires patrouillaient, l’air martial, sous les yeux étincelants des jeunes filles de passage, les miliciens rebaptisés policiers cédaient leur place aux petites vieilles dans les bus menant au cimetière. On prononçait maints discours, le monde entier parlait sans arrêt, les traîtres, les héros, les convertis et repentis et même quelques fantômes parurent devant les caméras,personnalités des années ’40, vieillards aux yeux ardents pauvrement vêtus, dissidents revenus d’exile, artistes et philosophes persécutés par l’ancien régime. La neige, seule, manquait au tableau et c’est à cela, peut-être, qu’on oublie les taches de sang sur le pavé et la couleur des étendards foulés aux pieds par les combattants anonymes.

89
Il m’a fallu six ans pour me moquer de tout ceci avec tendresse mais sans rabais sur le ridicule des personnages et situations décrits. Et vingt-cinq ans, aujourd’hui, pour voir tout sombrer dans l’oubli: joie cruelle, attendrissement puéril, grandeur et misère de ce Noël. Certains disent que l’exil (dont je fais partie) n’a pas le droit de juger. D’autres, remplis de piété, voudraient faire taire le rire que susciterait la vision burlesque de ces événements parmi les spectateurs étrangers. Seule, l’indifférence est condamnable, c’est ma réponse à tous ceux qui me jugent pour mes penchants envers le genre comique.
Je n’en ai cure, Nöel 1989 fut le temps des illusions, des fous qui se prennent au sérieux et tout ceci vaut bien un fou rire.

photo ©: Dominic Darceuil e Marc Mauduit a Montréal.
Romania 3 (2004) de C.Iovita Avec Marc Mauduit, Vincent Briand Giroux, Daniel Paquette, Michel Lavoie, Natalie Costa, Madeleine Peloquin, Fanny Weilbrenner, Julie Gagne

Retour haut de page